Son Poète
Son poète était claudiquant
Malade, frêle, tremblotant
Il protégeait des dérives du vin qu'il buvait trop souvent
Avant que la mort ne nous taise
Son poète était claudiquant
Mais son verbe marchait bien fier
Et faisait triompher dans l'air
Les maux de l'âme des vivants
Il parlait des choses avec aise et pouvait faire d'un gueux le roi
D'une vieillarde une princesse
D'une putain la belle au bois
Avant que la mort nous apaise
Les hommes avaient besoin de lui
Pour entendre et se souvenir
Des images, des ombres et du bruit
Des départs des navires
Son poète était élégant
Même en loque même en guenille
On n'engonce pas l'éloquent
Dans la belle toile qui brille
Ici bas trop plein de foutaises
De temps perdu pour l'apparat
Pour qui sait ranimer la braise dans l'œil du moindre scélérat
Avant que la mort n'indiffère
Les hommes avaient besoin de lui
Pour entendre et se souvenir
Des mirages des femmes et du rire
Des enfants à venir
Lui qui n'était pas un poète
Aimait son frère sans hérésie
Pour qui ne parle pas en vers
C'est de la belle poésie