20 MILLIGRAMMES
Vous trouvez pas qu’on étouffe, ici ? Non ? Alors ça vient d’moi ? On dirait qu’y fait cent degrés mais vous avez raison, ça s’peut même pas. C’est la faute aux pensées qui montent et à mon p’tit cœur qui suit pas.
Y m’fout la honte à battre la samba, ça m’prend comme ça, paf, putain crise d’angoisse, le sismographe en panique, douze litres de sueur qui poisse, sauf si ça non plus ça s’peut même pas ? Malaise vagal mental
J’trimballe dans ma poche partout et par tous les temps un Xanax anti-pétoche, rose et rassurant. J’croque dedans, tac, discrétos dans les dents, j’attends qu’son goût dégueulasse fasse l’effet que j’en attends.
Quand j’peux plus faire face, quand j’sais plus c’qui s’passe, à la ramasse à la fois brûlant et tout blanc, un p’tit tour de chimie, un p’tit tour de magie, des molécules se battent à notre place, comment y f’saient avant ?
Ben quoi les gars on va quand même pas s’priver d’la science non ? Flippés ok mais pas trop cons. Passés du Néolithique aux anxiolytiques, on fait plus la chasse, non, mais on prend des cach’tons.
Et je m’dis que j’m’inquiète pour rien
Et j’gobe 20 mg tous les matins
Et je m’dis que j’m’inquiète pour rien
Dans mon immeuble à faire pareil, on est combien ?
« Qu’est-ce que la crainte de la misère, sinon la misère elle-même ? ». Voilà une saine pensée comme je les aime, mais moi j’ai pas la sagesse de Khalil Gibran, je stresse, j’ai c’putain de p’tit vélo dans l’crâne.
Rien à faire quand t’es dans cet état, t’es en enfer et j’me ramasse tous les matins à la p’tite cuillère, les gars j’ai pu d’nerfs et moins d’appétit qu’un barracuda, vas-y Bouddha, essaye de n’avoir pas souffert.
Des nœuds dans l’cerveau, la tête entre les coudes, j’porte le monde sur mes épaules comme dans Hey Jude ! On klaxonne, je sursaute. Allez, démarrage en côte. Qu’est-ce qu’on va faire de moi quand tout sera devenu ma faute ?
Y en a, ça s’voit, j’vous jure, ils ont pas même pas peur. Mon Dieu, j’donnerais une couille pour être des leurs, débouler dans la vie, tel un kéké sur un jetski, badaboum, peu d’abus, pas d’habits, tout dans l’regard… j’me vois d’ici.
Moi si jamais on m’dit qu’on m’aime, pourquoi tout c’que j’entends c’est « T’es qu’une merde ! » Mais j’avance en séance avec mon psy, j’suis pas tout seul à être tout seul, je l’ai enfin compris.
REFRAIN
Si y avait moins d’connards, si y avait moins d’horreurs, j’suis tout bouffé d’complexes mais le contexte m’écœure. J’vis dans un téléphone plus intelligent qu’moi, quand il est sur vibreur, putain je suis sur marteau-piqueur.
J’essaie de mettre des beignes à mon désespoir. J’démêle le vrai du faux, même le contradictoire, j’ai ma vie cognitive, ma psychanalyse, « Tenez bon, lâchez prise », j’aime bien qu’on m’le dise.
Docteur, grosse prime si on m’bute ma déprime, si on m’la renvoie – bim ! - au fond des abîmes. J’veux plus retrouver un ch’veu d’cette pute sur mes futs. Jusqu’ici j’ai préféré être un enfant qu’un adulte.
C’était bien plus fastoche, les mains sur mon bicross, j’le vois maintenant qu’j’avance dans la crasse à coups d’pioche, maintenant que l’angoisse a pénétré mes méninges, oui tout à fait, un peu comme Ariel au cœur du linge.
J’déteste qu’on m’demande « Ouh la ! ça va, toi ? », et j’déteste qu’on s’inquiète pour moi. Qui qu’a tout bousillé mon plexus solaire ? Qui qu’a mis « Peut mieux faire » sur mes bulletins scolaires ?
REFRAIN