John Débardeur
Quand les bateaux s’montraient l’nez dans la baie
Du temps que John était rien qu’un p’tit gars
D’après les cris pis d’après la fumée
Lui vous disait: «Vient d’en haut, vient d’en bas»
Premier su’ l’quai la s’maine comme le dimanche
Sans s’faire prier pour passer les nuits blanches
John Débardeur charge et décharge
Les caboteurs, les cargos et les barges
Toujours à terre, jamais dans l’large
Ça, c’est l’affaire de John Débardeur
Savait par coeur le mouvement des goélettes
Les charges de sel d’avec les charges de fer
Prenait ses gants, son crochet, sa casquette
Pis s’en allait en sifflant son p’tit air
Quand les matelots avaient d’la contrebande
I’ savait s’taire, on l’servait à la demande
John Débardeur charge et décharge
Les caboteurs, les cargos et les barges
Toujours à terre, jamais dans l’large
Ça, c’est l’affaire de John Débardeur
Noir de charbon, gris d’ciment, blanc d’farine
Portait toujours couleur des cargaisons
Les filles trouvaient qu’il avait triste mine
Lui parlaient pas, lui faisaient pas d’façons
Et cependant qu’on causait d’beaux voyages
Dans l’fond des cales, à crier dans l’tapage
John Débardeur charge et décharge
Les caboteurs, les cargos et les barges
Toujours à terre, jamais dans l’large
Ça, c’est l’affaire de John Débardeur
J’me suis laissé raconter dans les brumes
Qu’il n’attendait que l’moment d’s’embarquer
Pis un beau soir, John a changé d’costume
Beau comme un prince est arrivé su’ l’quai
Les filles l’ont vu monter par la passerelle
Mais l’débardeur n’avait plus d’oeil pour elles
John Débardeur verra dans l’large
Passer les caboteurs, les cargos et les barges
I’ sait leurs noms, i’ sait leurs charges
Ça, c’est l’affaire de John Débardeur
Deux mois plus tard était fait son voyage
Et la belle femme qu’il ramenait avec lui
L’avait laissé pour un gars d’l’équipage
Qui s’est noyé, un accident, la nuit
Et comme avant sur les quais, dans les cales
Avec ses gants pis ses vieilles culottes sales
John Débardeur charge et décharge
Les caboteurs, les cargos et les barges
Toujours à terre, jamais dans l’large
Ça, c’est l’affaire de John Débardeur