Du bled à la France
Mon père vient des montagnes Hensfa, province de Oujda
Nom de famille Houari tribu jdeiny
Avec son frère Boumediene très tôt
Ils deviennent bergers inséparables ils s'occupent des troupeaux
Avec des mulets ils vont chercher l'eau à la source
Des fois ils s'amusent pour passer le temps ils font des courses
Leur père est sévère il leur apprend les bonnes manières
Des coups de bâton pour aller faire la prière
Pas d'électricité, pas de chauffage
Toujours un taff à faire ici pas de chômage
Ils savent ni lire ni écrire hélas y a pas d'école
Ils n'apprennent que des sourates pas de stylos pas de papiers pas de colle
Limités mais heureux malgré tout
Ils se contentent du minimum pas le choix un point c'est tout
Le soir tour à tour ils se relèvent pour monter la garde
Frigorifiés dehors il fait frais
Mon père grandit et ses ambitions aussi
Il se voit pas continuer finir ici
Comme tous les jeunes de son âge il vise l'Europe
P'têt la Belgique la Hollande où bien la France
La France c'est son rêve américain
Il rêve de visa comme tous ces jeunes africains
Avant de partir il se marie avec une femme d'une autre tribu
Son père est trafiquant d'or réputé dur
1957 mon père arrive à Paris
Ma mère reste au bled avec sa belle famille
Mon père commence à taffer il taffe vers Orly
Habite porte de la Chapelle il marche pour gagner sa vie (gagner sa vie)
Toutes les nuits, il fait ce chemin à pied
La peur au ventre ouais peur de se faire tuer
À cette époque les racistes les appellent les crouilles
Ils jettent nos pères dans la Seine normal qu'ils avaient la trouille
Ouais mon frère
Wallah pour nos darons quand ils sont arrivés en France
C'était pas facile
Heurtés au racisme à l'état pur
Algériens, Marocains, Tunisiens
Égyptiens, Maliens, Ivoiriens, Sénégalais
Toute l'Afrique mon frère, ils sont venus avec leur niya
Ils pensaient que tout le monde était beau, tout le monde était gentil
Grâce à Dieu mon père change d'emploi
Il fait venir ma mère ainsi que son petit rhoya
Les deux finissent embauchés à Renault
L'un en tant que peintre l'autre en tant que mécano
Mes parents perdent leur premier fils puis un deuxième
Répètent Hamdoulilah malgré tous leurs problèmes
Tous les mois il envoie du cash au bled
Pour ses autres frères son père sa tribu qui demande à l'aide
Une fois dans l'année il se rend dans son pays natal
Accueilli comme un héros mais pour lui ça reste normal
Mon père enchaîne les gosses viennent Abdellah et Mohamed
Peu de temps après viennent s'ajouter Yahia et Ahmed
Ensuite se succèdent Malika et moi-même
Ibrahim le dernier de la famille le chouchou que tout monde aime
Avec un seul salaire mon père arrive à nous élever
On manque de rien on mange à notre faim ma mère est comblée
Ouais mon frère mon daron comme le tien
Quand il est arrivé en France Il avait un plan
Tout était planifié
Le but en fait c'était de faire un maximum d'argent
Et rentrer au bled
Mais hélas pour eux ça s'est pas passé comme prévu
Les aléas de la vie
On a continué à vivre, survivre plutôt
88 Mohamed nous quitte dans un tragique accident
Toute la famille Houari plonge dans un bouleversement
Ma mère ne s'est jamais remise de ce décès
Elle accomplit son pèlerinage peu de temps après
94 Kremlin-Bicêtre c'est là que nous vivons
Quartier réputé sensible, les Martinets c'est son nom
La majorité de la population est maghrébine
Africaine, familles modestes ou clandestines
Ici je me fais vite des potes qui deviennent très vite des frères
H 24 dans la cité on a connu la galère
On a tenu les murs on jouait au foot jusqu'à pas d'heure
On se contentait de peu à vrai dire on savait pas ce que c'était le bonheur, non
On savait rien nous
Mais si y a bien une chose qu'on savait
C'est qu'on manquait de rien,
On se plaignait jamais, jamais frère
Et surtout, surtout ce qu'on avait c'était le respect
Wallah frère si je Pouvais le refaire
Je le referais ce chemin, avec les mêmes personnes, le même endroit
Là où j'ai grandi,là où j'ai vécu avec la même famille
Ah mon frère, salamoualaykoum warahmatoulahi wabarakatouh