OU EST-CE QU'ILS JOUENT LES ENFANTS

On en voit un ou deux
À vélo, en landau
On en voit un ou deux
Jamais trois, jamais trop

Dans les bras d’un plus vieux
Ou perché sur un dos
On en voit un heureux
Et un autre en sanglots

On en voit un au creux
Du coussin d’une poussette
Et un autre qui tète
Un gros sein généreux

Ils sont rares ceux qui jettent
Leur p’tit rot silencieux
Quand Paris à tue-tête
Klaxonne tout ce qu’elle peut

On en voit un parfois
Qu’mémé tient par l’poignet
Dans l’parc où grand-papa
Lance son cochonnet

On devine qu’y en a
Parsemés dans la ville
Oui mais ils jouent à quoi
Les p’tits fous, les p’tites filles

On voit des commerçants
On rencontre des chiens
Où est-ce qu’y sont, les enfants
Qu’est-ce qu’y font, les gamins

Où sont-elles, les ruelles
Ces paradis d’asphalte
Où on danse la marelle
Où on joue à cache-cache

On en voit un ou deux
Par la f’nêtre d’une brasserie
On en voit un sérieux
Et un autre endormi

En boule sur la banquette
Au milieu des adultes
Qui picolent et répètent
D’éternelles platitudes

On en voit c’est bizarre
Parfois un dans la nuit
Quand Paris se fait tard
Quand son moulin rougit

On s’dit : « Qu’est-ce qu’y fait d’bout
Il devrait être au lit
Ses parents ils sont où
Non, mais, pauvre petit! »

Mais bon même en plein jour
On n’en voit pas des lots
On n’en voit pas qui courent
Ou qui jouent au yoyo

Juste un ou deux bambins
Qui se tournent les pouces
Au fond d’un magasin
Quand maman fait les courses

Où est-ce qu’on leur accorde
De jouer à la tague
De sauter à la corde
De raconter des blagues

Où est-ce qu’y jouent, les p’tits diables
À part à la maison
Où est-ce qu’y grimpent dans les arbres
Où est-ce qu’y chassent les papillons

Quand Paris est toute fade
Quand Paris est toute beige
Juste avant qu’elle se farde
Et qu’la nuit la rende belle

Avec ses bateaux-mouches
Avec sa tour Eiffel
Quand Paris est toute douce
N’est-elle pas maternelle?

Où est-ce qu’y s’amusent alors
Quand l’école est finie
Quand y sont pas dehors
Les enfants d’aujourd’hui

Quand y sont ni au parc
Ni dans la cour arrière
Où est-ce qu’y sautent dans les flaques
Où est-ce qu’y s’couvrent de terre?

J’retourne à Montréal
J’veux revoir des mitaines
Qui se lancent la balle
Dans le parc Lafontaine

Même si l’hiver est sale
Plus souvent qu’il est blanc
J’retourne à Montréal
J’veux revoir des enfants

J’veux parfois en pleine rue
Rencontrer des filets
Et des p’tits gardiens d’but
Perdus dans leurs gilets

Et j’veux voir en été
Pisser des arrosoirs
Si ça peut faire pousser
Des brins d’hommes qui s’marrent

J’veux des pétards à mèche
Et des ballons chasseur
J’veux des arcs, des flèches
Des p’tits Joe la terreur

Des cowboys, des indiens
Des princesses déguisées
Des pique-niques sur le foin
D’un terre-plein dans Villeray

Me voici Montréal!
… je te fouille partout
Non mais c’est pas normal
Tes enfants, y sont où

Quand t’es là que tu t’pares
De milliers d’festivals
Tes enfants, où est-ce qu’y s’garent
Où est-ce qu’y r’gardent les étoiles???

À Paris comme partout
La jeunesse est malade
Même ici, même chez nous
Ils sévissent, les iPads

C’est assis, c’est à g’noux
C’est devant des écrans
Qu’les enfants s’cassent le cou
Enlisés dans l’divan!!!

On en voit un ou deux
À vélo, en landau
On en voit un ou deux
Jamais trois, jamais trop

J’imagine qu’c’est pareil
À Sydney, à Tokyo
Ils sortent plus au soleil
Pour jouer… les marmots…!