Deux Kangourous Devant La Véranda
Deux Kangourous devant la Véranda», tragédie follement contemporaine,
D'après le livre de Juan Anton Bola qui singe également la mise en scène.
Ce dramaturge est une valeur sûre chez les initiés et les critiques
Dont certains voient en lui le maître du parasymbolisme diurétique.
Mais voilà le rideau se lève, le décor symbolise un trou béant.
Et longtemps la vision du vide alterne avec la vision du néant.
Mais enfin de la fosse d'orchestre grimpe le héros, en plein désarroi.
Il est dépourvu de paroles et dévêtu, ça va de soi!
Puis il crie: «Ah! Qui vois-je ici paraître?» Ces mots là ont un redoutable impact.
La question pèse lourdement sur le public et ainsi finit le premier acte.
Et tous ceux qui raffolent de culture et bouillonnent d'érudition
Apprécient dans l'acte premier la verve, ainsi que la densité de l'action.
Mais cruellement le rideau se lève, le drame continue sans pitié.
Le héros s'est effondré mystiquement, et il tient des propos orduriers.
Quand le destin inexorable lui envoie une espèce de grosse fée,
Les deux font quelques galipettes, ensuite, ils crachent sur la société.
«Bravo! Une autre!» hurle un critique, ému, profondément bouleversé,
Car il retrouve dans le drame ses fantasmes et ses envies refoulées.
Pendant ce temps on voit un traître s'approcher du couple en rampant...
Mais il s'endort à mi-chemin et certains spectateurs en font autant.
Le héros prend un grand sac en plastique et il emballe le traître penaud,
Et il arrose le tout de peinture orange…, ainsi finit le second tableau.
Et tous ceux qui raffolent de culture et aiment l'apocalyptique,
Apprécieront dans le second acte un profond message socio-critique.
Le troisième acte amène la métamorphose du traître bien emballé.
Le suspense est insupportable et l'atmosphère est survoltée.
La métamorphose se fait dans le sac, et le silence le plus total...
Heureux ceux qui ont amené leur casse-croûte ou bien un thermos dans la salle. Arrive un chœur masqué qui scande «Pitié! Mais on va s'enrhumer.»
lls auraient pu mieux se couvrir, car le théâtre est subventionné!
En zigzaguant, surgit le Pape et danse à l'apogée dramatique
Un pas de deux avec le héros et c'est le dénouement tragique.
Quand le Pape comprend que le héros n'est nul autre que son imprésario.
Il menace d'ôter ses vêtements, mais là par pitié tombe le dernier rideau.
Et tous ceux qui ne seraient pas en train de paisiblement s'ennuyer
Ce sont des insomniaques incurables ou des abonnés qu'on a
couillonné.