LES TAUPES SUR LE PAILLASSON

Alain SOUCHON

Vous dormez là, mais vous dormez, je comprends parce que si j’étais à votre place je dormirais aussi. Je m’y connais, vous dormiez mais c’est parce que c’est une chanson qui n’est pas connue du tout et qui en plus est un petit peu endormante. Donc vous dormez, normal, mais vous savez, je la chante surtout pour moi parce que c’est un souvenir. Je l’ai faite, j’avais à peu près 23, 24 ans, je ne sais pas. J’étais cœur vaillante, ce n’était pas de ma faute, cœur vaillant c’est comme scout, vous voyez, j’avais un grand short bleu marine, un foulard bleu avec un liseré jaune, une bague en cuir pour tenir mon foulard, là j’avais des scalpes. Enfin vous voyez, j’avais 24 ans, je ne me rendais pas compte et donc j’aimais bien. Un soir j’étais invité chez des gens au bord de la Loire dans une jolie maison. J’avais une salopette en velours côtelé bleu avec une pochette jeune parce qu’il y a une poche là. Je discutais avec des amis : « alors toi pour les cabanes, tu mets plutôt des ficelles ou plutôt des clous ? Pour le feu tu mets les pierres face au vent ou contraire au vent ? » Enfin, vous voyez, des conversations d’hommes. Et d’un seul coup, la porte s’ouvre et je vois arriver une jeune fille, vous savez avec les toutes petites oreilles, avec le petit nez, les grands yeux avec des lampes derrières. Je ne savais plus, donc je n’écoutais plus ce que disaient les types avec qui j’étais et je regardais la jeune fille tout le temps comme ça un peu fasciné. Je me disais, ce qu’il faudrait, c’est que j’aille la voir et puis que je lui demande si je peux lui faire un petit bisou sur la joue, je disais sur la joue et je pensais même, je vous le dis, sur le ventre. Je ne sais pas si vous connaissez le ventre des filles, c’est dingue l’ambiance. Le ventre des filles, c’est très très doux, très très doux, un petit peu mou et vous pouvez faire des petits bisous dessus. Vous prenez la fille, vous la mettez à plat comme ça sur une table ou sur un canapé et vous faites l’expérience, vous posez votre tête sur son ventre, comme ça. Alors là, tous les ennuis, les trucs d’examen, d’argent, ed loyer à payer, de politique, « est-ce que Tibéri va lâcher Chirac et tout déballer ? » vous vous en foutez, c’est fini ça n’existe plus parce que, je vous assure, c’est très prenant, il y a une ambiance. Ça c’était un aparté. Donc je vais voir la fille et je lui dis : « mademoiselle, est-ce que je peux vous faire un petit bisou, là ? ». Elle me dit non, sans discussion en me regardant d’un air, alors je repars un peu décontenancé et je me dis qu’elle m’a dit non parce qu’elle n’a pas été enthousiasmée par mon physique. Donc je réfléchis et je me dis ce qu’il faudrait (ça va pas être long ne vous inquiétez pas) c’est que je lui plaise intérieurement, qui je lui montre que j’ai une belle âme. Donc je réfléchis, je vais voir les gens qui la connaissent : « qui est cette fille ? Comment s’appelle-t-elle ? Qu’est-ce qu’elle fait ? » « Et bien elle s’appelle comme ça, elle habite là, elle fait de la biologie animale » « qu’est-ce que c’est la biologie animale ? » je demande, on me dit c’est l’étude des bêtes, pourquoi y a des zèbres, qu’est-ce qu’y a dans un renard, ils ouvrent le renard, ils regardent, ils dessinent ce qu’il y a dedans, ils referment le renard. Qui a inventé la grenouille, quand passent les cigognes etc. Alors je réfléchis et je me dis, il faut que je lui fasse un cadeau en fonction de ses goûts, qu’elle se dise, il me fait une cour courtoise, intelligente, voilà un beau gars intérieur. Donc je vais la nuit jusque chez elle et je dépose sur son paillasson une fouine, une belette et deux taupes, des bêtes mortes parce qu’elles se seraient sauvées. Je dépose ça avec un post-it, avec mon numéro de téléphone et j’attends. Rien. Alors le lendemain je me dis peut-être une erreur de goût la fouine et la belette, je ne vais mettre que des taupes, c’est joli les taupes : les pattes sont horribles, mais le dessus, on voit surtout le dessus, c’est une fourrure douce ; j’avais mis un post-it dessus, rien. Je me dis qu’il faudrait quelque chose de plus, quelque chose d’un peu artistique ; je choisis donc les pattes de canard, c’est lavable, pratique, on peut faire un petit éventail avec, on peut marquer les pages d’un livre, y a des avantages. Je mets mes pattes avec un post-it, rien. Je me dis, bon, il faut que j’y aille. Je choisis un beau bouquet de fleurs, je crois que c’étaient des anémones, des fleurs rouges foncés avec des pistils noirs très jolis, un beau bouquet et dedans je mets un pigeon mort et puis je sonne, je lui donne mon bouquet, alors là, ça a été horrible, elle m’a tout foutu à la gueule en criant « ça va pas il est dingue au secours », elle a crié au secours parce que j’ai appris après qu’elle était allergique aux plumes, mais je ne le savais pas, je ne pouvais pas prévoir. Donc tout ça m’a un petit peu découragé, je suis rentré chez moi. J’étais maussade, je traînais un peu, je faisais beaucoup de langues de chat, bon je vous raconte ma vie, donc je faisais des langues de chat vous savez y a de la pâte dans un bol, on en met sur un plaque très chaude avec une petite louche et ça fait des petits gâteaux qui s’appellent « langue de chat ». Le problème est que j’en faisais trop, j’en faisais toute la journée et on m’a expliqué après, que c’est parce que j’étais dépressif. On m’a dit : parce que vous êtes dépressif vous faites trop de langues de chat, mais ça ne veut pas dire que quand on est dépressif on fait forcément des langues de chat, pas du tout, mais là c’était un signe. De même le soir je regardais beaucoup la télévision et on m’a expliqué également que c’était un signe de dépression nerveuse forte ; pourtant à la télévision, j’ai vu un homme, un chanteur de l’époque je ne sais plus qui c’était, qui disait « moi avec les filles, c’était moyen mais depuis que j’ai acheté une guitare et que je chante mes chansons à la guitare, elles me tombent toutes dans les bras ». Alors j’ai filé acheter une guitare rue de Rome, puis j’ai fait ma chanson pour elle, j’ai mis un post-it sur ma chanson et vous savez, elle m’a téléphoné et après j’ai mis ma tête sur son ventre et après nous nous marièrent et nous eurent deux enfants.

Trivia about the song LES TAUPES SUR LE PAILLASSON by Alain Souchon

Who composed the song “LES TAUPES SUR LE PAILLASSON” by Alain Souchon?
The song “LES TAUPES SUR LE PAILLASSON” by Alain Souchon was composed by Alain SOUCHON.

Most popular songs of Alain Souchon

Other artists of French mainstream pop