Printemps, printemps
Pleure, pleure
Printemps, printemps
La nuit est noire
Meurt, meurt
Sombre pesant
Comment étions-nous avant?
Le silence, la faille
La déchirure, l’immense
Celle au fond
Celle noire comme la nuit
Printemps, printemps
Je ne me retourne pas
Je sais déjà d’où j’arrive
Et j’ai vu ce que j’ai
Laissé derrière moi
Des amis sont partis
Le quartier est coupé
En deux entre deux vies
Le quartier a changé
Printemps, printemps
J’ai vidé la remise
Du balcon de derrière
Et les armoires aussi en dessous de l’évier
J’ai fait une belle pyramide
De bouteilles vides
Sur le bord du trottoir
De la rue Messier
Et immobile depuis un moment
Je fixe les regards inquiets
Des photos sur le mur
Qui voient venir le fond de la boîte à chaussures
Je me bats contre les traits
Fatigués, tirés et défaits
Qui rabaissent mes épaules vers le bas
Le tapis où le chat a vomi
Un reste de repas heureux
Comment étions-nous avant?
La moitié du tiers d’une vie entassée dans des boîtes
De papier cul identifiées LIFE
Ramassées à la pharmacie
Après le 17e jour de pluie d’affilée
Du mois de mai
Le carton humide sent la pisse
Et mon haleine la mort
Les yeux qui fatiguent plissent
Sous les rayons un peu trop forts
Du soleil qui tape dans la vitre
Printemps, printemps
Comment étions-nous avant?
Et j’ai sali mon cœur
Ma peau est déchirée en lambeaux
Par les mois d’équilibre incertain
De positions d’immobile qui avancent tranquille
Comme mille lames de rasoir en cadence
Pour m’ouvrir les joues, m’amaigrir, me creuser
M’emmener au squelette, voir le fond
Voir la base, le frame, la fondation