Boire à l’ombre
Je n'ai pas soif, vieillard, merci
Mon cœur a bien autre souci
Que la bouteille!
Toi, cependant, paisible et gai
Tu bois à l'ombre, à petit gué
Sous une treille
Tu ris au gobelet d'étain
Et nul d'un jugement certain
Ne pourrait dire
-- À voir tes regards complaisants, --
Qui creusa les rides des ans
Ou du sourire
Tu n'as pas connu même un jour
La plaie ardente d'un amour
Mis en risée
Ou si tu l'as eue à vingt ans
Du moin, l'as-tu depuis longtemps
Cicatrisée
Ô viеillard! que je donnerais
Mеs cheveux noirs et mon teint frais
Pour m'être acquitté de souffrir
Et comme toi, près de mourir
Boire en liesse !