Scherzando Express
3h40, une insomnie rampe sur les draps
La nuit gravit le lit en pente
Les ombres conversent en silence
Dessinent des pensées sur les murs
Elles jouent avec les apparences
Engendrent d’étranges créatures
3h40…
3h40 ouvre la porte à l’alizé des souvenirs
Reviennent alors, du fond des ans, des revenants
Et le plafond me happe et me balance
À travers le temps et l’espace
Jusqu’au générique d’une existence
Au parfum de lilas, de terre mouillée
Sur fond de campagne et de cheminées d’usine
Quand l’enfant que j’étais accourait vers la voie ferrée
Pour voir passer des trains chargés de promesses
Et qu’il s’imaginait sauter un jour prochain
À bord du Scherzando Express
J’ai vu le jour à la Croix-Rousse
Mais j’ai vu la vie à Montluel
Mes premières années de Tom Pouce
Longent ses rues et ses ruelles
Petite ville, petite enfance
Derrière l’église, le feu joyeux de l’innocence
Que la province tamise
Les parents qui partent au turbin
Train du matin, six jours semaine
C’est la grand-mère qui fait le plein
De ma conscience lilliputienne
L’été, les vacances, Argelès
Printemps au bord de l’Ain
La Terre entière est pour demain
Quand on m’aura lâché la laisse
Montez dans l’express
Scherzando Express
Arrive Lyon et ses faubourgs
Le premier coup de flagada
Les prés laissent place à des cours
D’immeubles, on s’y fait et ça va
Jusqu’à la crise juvénile
Et ça se corse
La famille n’est plus si tranquille
C’est le divorce
La liberté en hyperbole
Dans ma crinière échevelée
Je ris des cons sous les banderoles
Du rock et des bandes dessinées
Les filles entrouvrent des promesses
D’extases encore sibyllines
J’écris leurs prénoms sur mon jean
En maudissant ma maladresse
Refrain
Alors vient la révélation
À force d’écouter des disques
Je peux changer ma partition
Si je sais prendre quelques risques
Le risque de croire à mes rêves
Le risque d’être un autre
Le risque d’être moins bon élève
Tant pis si je m’vautre
Easy Rider en Solex
Et le Coca chez Prisunic
Mes rêves affichent le complexe
De naître à l’Est de l’Atlantique
La mythologie seventies
Carbure à fond à l’happy end
Que nous fredonnent les Yankees
Je change de blaze et j’m’appelle Kent
Et je deviens buteur d’étoiles
Soudain tout l’horizon s’éclaire
Les années qui viennent s’emballent
À la vitesse de la lumière
À la vitesse de la lumière
Refrain
Scherzando Express
Scherzando
La vie d’artiste est ce qu’elle est
Moitié Saint-Graal, moitié Guignol
Elle est un fabuleux ballet
Vu au travers d’un verre d’alcool
Les yeux mi-clos, dans mon tutu
Je danse et tourbillonne
Pour échapper au temps qui tue
À l’oubli qui talonne
Dans le tunnel de l’insomnie
Tandis que roule quelque part
Entre l’enfance et l’infini
Ce train de nuit et de mémoire
Je demande alors au gamin que j’étais
Est-ce que le trajet te convient ?
Est-ce que ce que je fais te plaît ?
Hou hou hou…