Sagesse, je te hais
Sagesse, je te hais.
Poseuse infatuée, chiure d'aréopage
Qui dicte des devoirs et donne des leçons,
Tu fais l'apologie des vertus du grand âge,
Et traite de savoir le babil d'un vieux con
Qui se paie de mots creux, dont l'émotion absente
Sahèlise peu à peu nos vallées verdoyantes,
Sagesse, je te hais.
Tu n'es jamais, Sagesse, à l'aube des combats.
Toi, tu prends du recul, tout avance sans toi.
Ta bien-pensance hautaine, condescendante aussi,
Sont les premières traces, les infâmes stigmates
De ce mal contagieux qui guette l'homme assis
Et qui enfle à mesure que gonfle sa prostate
Sagesse, je te hais.
Ah ! Ne pas être sage ! Aimer à la folie,
Brûler par les deux bouts son unique bougie
Pourfendre jusqu'au bout, combattre sans répit,
L'imposture, le mensonge, les faux dévots rassis,
Quitte à mourir peut-être, mais à mourir debout.
Mourir ivre et repu ou bien mourir de rire,
Ou d’un arrêt du cœur qui aurait trop battu,
Trop aimé, trop souvent,
Aimer jusqu’au délire,
Ou, plaisir absolu,
Mourir d’un coup de sang.
Sagesse, je te hais.
Écouilleuse perfide, princesse de l'arnaque,
Sirupeuse hypocrite qui dès l'aube des temps
A toujours réuni, fourré dans le même sac,
Les cocus de l'histoire et les vendeurs de vent.
Au nom de la raison ou déraison d'État
Que louent à l'unisson des valets complaisants.
Sagesse, je te hais
Sois maudite, Ô sagesse, pute qui se veut chaste
Sainte Nitouche qui profère aux quatre vents
Que l'ardeur est un piège et la passion néfaste,
Mais tapine à heure fixe sur nos petits écrans
Conseillant de couper les têtes qui dépassent
Pour que des féodaux restent les dominants.
Sagesse, je te hais
Ah ! Ne pas être sage ! Résister sans mollir
Démasquer, s'indigner, désigner, réagir
Ne penser qu'au futur, rêver ce qui sera
Et jeter le présent dans un grand feu de joie.
Renverser, mettre à bas les statues des caciques
Fomenter le désordre contre l'ordre établi
Effrayer le troupeau d'animaux domestiques
Qui n'ont d'autre ambition que remplir un caddie,
Réapprendre à dire nous
N'utiliser le "je" que pour dire "Je nous aime",
Et si de guerre lasse
Je devais succomber
Que la folie elle-même
Me donne le coup de grâce...
Sagesse, je te hais.