Ludwig

Au fond d’une guitare enragée à l’automne
Il y avait du sang comme un dièse mouillé
C’était à Bonn au détour d’une rue...

S’il fallait parler de cette romance en allée dans la rue
Avec ses habits du dimanche
Alors que la semaine s’étire on ne peut mieux au bout de l’incertain et du tragique
S’il fallait chanter cet éternel recommencement qui tient de l’habitude еt du savoir constant vérifié par les arbres
Par les crépusculеs teints
Par les regards cachés derrière la pensée perverse ou religieuse
S’il fallait dire un peu de cette insouciance et qui nous mène au jardin des faillites et de la solitude
S’il fallait... S’il fallait...
Alors remonterait du fond de nos cagibis inconscients
Du fond de notre vouloir le plus profond
La certitude
Le temps précis et incalculé et toujours indemne
Alors s’emballerait notre habitude retenue par la défense de s’insurger de s’éprendre de s’illusionner
Coriolan n’était qu’un prétexte. Egmont ? Parlons-en
Tu te souviens ?

Sur cette plage toute en graviers
Cette plage défaite au nom d’une certaine compromission entre la mer et le spectacle
Cette plage que tu voulais défaite et soumise à ton imaginaire chorégra- phique d’enfant seul et triste
Tu t’en souviens ?

Et tu chantais... et tu chantais... et tu chantais...
Et tu pensais qu’Egmont c’était la mer, le drame, les larmes
La beauté de cet instant fabuleux de solitude exaucée
Tu l’avais dit et tu l’avais crié à ce prof impotent du verbe et de la grâce et tu t’étais caché parce que tu étais seul au monde, et vaincu, et grinçant contre l’imbécillité secourue et protégée par la loi et par le nombre
Depuis, Egmont me remonte comme la mer après ses descentes impitoyables au fond des enfers et de la nature fidèle
Egmont comme une source bienheureuse et coulant comme une génération tout entière de bienfaits uniques
Parce que tu es l’Unique
Parce que je t’ai donné l’Unique et ce Temps
Qui s’est arrêté au bord de la seule invention de l’homme...
Devine !

L’illusion s’arrange et s’indemnise au mieux de l’imaginaire et de la folie. Je m’illusionne et je pars m’illustrant moi-même et me regardant à travers le style enfin parcouru au long de tous ces silences, de toutes ces vicissitudes interpolées par des copistes dont je me fais le modèle transmis
D’on ne sait où et, sans doute, par voix orale
Quand je parle à l’illusion je suis à Bonn sous-traitant la Quatorzième symphonie chez un archiduc de mes prétendants...
Je vais alors et maintenant vers l’horizon blafard et souriant peut-être, parce que de mon œil jusqu’à son désir de paraître il n’y a probablement qu’une intention d’architecte
Ce que je vois se perd
Ce que j’instrumente ne peut qu’être perdu aussi
L’instinct du hautbois est une crécelle inventée par des lèvres secourues
Le vent, d’habitude, s’informe de ses perverses possibilités et se retrouvera bientôt dans le plan général de ces bois vertueux et grinçants rien qu’à l’idée de se protéger tout en haut, à l’aigu, se défendant aussi de la fable contrapunctique et apprise sur les bancs de l’informe et de la décadence
Le chant... Le chant... Et cette vertueuse passion qui ne va jamais au bout de la relative inversion
Dans le moins que l’on ne découvre qu’à force de bienfaits dans l’outrage et dans le sacrifice propitiatoire
Un peu comme la terreur obligée du stupre et de la revendication
Je sais des formules apprises. Je leur crachais dessus
Je sais des impossibilités pratiques. Je les décontenançais à force d’incroyable
L’incroyable c’est la porte de secours que je poussais quelquefois et personne jamais ne s’en est aperçu
La perversion m’obligeait à me rendre tel que les pervers pouvaient m’imaginer, et encore... Cette perversion tellement cachée au fond des mers conscientes revues et corrigées par le cynisme des lois de préférence pénales, je l’entendais au fond de moi — comme les accords de la Neuvième que j’avalais de travers parce qu’engloutis pêle-mêle dans ma bouche auriculaire et je la rendais
À qui de droit, je veux dire aux inadaptés de l’esprit
Ils croyaient que je me trompais alors que Stravinsky c’était déjà moi. Avec le sourire en plus. Enfin... Ce sourire tout près de vos larmes
Il faut bien concéder. Ça favorise et ça trompe les historiens

J’allais jouer à la marelle, avec trente-deux cases
La sonate pour piano, c’est une démission de joueur
Quand Dieu se masturbe il met du cassis dans ton vin blanc et tu jouis en même temps que lui
À cela près que Dieu c’est toi aussi

Vous n’êtes rien moins que les informes copies de votre propre imagination. Lorsque tu imagines, tu crois être dans le spectacle alors que le spectacle te regarde et te vérifie. Quand je transpirais auprès de Teresa, elle prenait ça pour du génie. Mon génie c’était justement de m’arrêter à temps, au bord du non-dit et de l’informulé
Tu sais bien que Rembrandt n’a jamais dessiné que des fadaises. Si tu voyais ce qu’il voyait tu t’arracherais mes oreilles
Nous sommes d’un monde non édifié et que nous sommes seuls à parcourir, encore qu’il y faille un peu de désordre aussi et de cette indicible beauté qu’on ne dit même pas en musique ou au fusain et que nous immolons chaque soir avant de parcourir l’inédit et la fantastique pâleur du silence et de l’objective inanité
Le néant, vraiment, finit par avoir une consistance tellement nous nous en informons, tellement nous le parlons avec nos mots et nos idées, alors que l’idée même en est transfigurée par nos sens et notre dérisoire entendement

Coriolan n’était qu’un prétexte. Egmont ? Parlons-en
Tu te souviens ?
Sur cette plage toute en graviers
Cette plage défaite au nom d’une certaine compromission entre la mer et le spectacle
Cette plage que tu voulais défaite et soumise à ton imaginaire chorégraphique d’enfant seul et triste tu t’en souviens ?
Et tu chantais... Et tu chantais... Et tu chantais...
Et tu pensais qu’Egmont c’était la mer le drame les larmes, la beauté de cet instant fabuleux de solitude exaucée
Et tu l’avais dit et tu l’avais crié à ce prof impotent du verbe et de la grâce
Et tu t’étais caché parce que tu étais seul au monde, et vaincu, et grinçant contre l’imbécillité secourue et protégée par la loi et par le nombre
Depuis, Egmont me remonte comme une source bienheureuse et coulant comme une génération tout entière de bienfaits uniques
Parce que tu es l’Unique
Parce que je t’ai donné l’Unique
Et ce Temps qui s’est arrêté au bord de la seule invention de l’homme...

La douleur

Trivia about the song Ludwig by Léo Ferré

When was the song “Ludwig” released by Léo Ferré?
The song Ludwig was released in 1982, on the album “L’Imaginaire”.

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